Une voyageuse solitaire parcourt la promenade des Glaciers en Alberta, au Canada

L’auteure profite d’une vue matinale sur le lac Peyto dans le parc national de Banff.

L’auteure profite d’une vue matinale sur le lac Peyto dans le parc national de Banff.


Photo ci-dessus : L’auteure profite d’une vue matinale sur le lac Peyto dans le parc national de Banff.

Histoire et photos par Emma Skye

Emma est une photographe indépendante spécialisée dans la photographie de voyage, de mode de vie et d’aventure.

Il n’est pas rare de prendre trois jours pour réaliser ce parcours de trois heures, car il y a beaucoup à voir.

J’adore les escapades routières. Lors de ma première recherche Google sur la promenade des Glaciers, je ne pouvais imaginer pourquoi quelqu’un ne voudrait pas parcourir les 225 kilomètres de cette route qui s’étend entre Jasper et Banff dans les Rocheuses canadiennes. La région est célèbre pour ses glaciers, cascades et lacs, si bleus qu’ils semblent avoir été retouchés avec Photoshop. Comme personne que je connais ne pouvait prendre congé, me voilà seule qui roule sur l’autoroute 16 en direction ouest depuis Edmonton, en Alberta, en chantant à la musique produite par une radio crépitante.

Je m’arrête au centre de renseignements du parc de Jasper pour prendre des cartes et un laissez-passer pour le parc. La dame derrière le comptoir me demande, « Combien de personnes dans votre groupe? ». Je ne comprends pas la question jusqu’à ce que je vois des gens descendant d’un autobus derrière moi. Je lui réponds, « Un petit groupe malheureusement, je suis seule. » La dame sourit en me disant : « Moi aussi j’aime faire des randonnées seule, c’est tellement valorisant ». Ayant déjà trébuché dans le noir avec une lampe frontale à puissance réduite en priant de ne pas rencontrer un ours brun, je peux garantir que « valorisant » n’est pas le terme qui m’était venu à l’esprit. J’ai décidé de ne pas partager cette anecdote.

Je passe l’après-midi à photographier quelques lacs alpins de Jasper. Il ne s’agit que de la mi-août, mais il semble que l’automne ait déjà commencé à s’installer. Au lac Annette, des arbres rouges enveloppent les montagnes d’une lumière chaude, comme s’ils étaient en feu devant le soleil couchant.

Les prévisions annonçaient du beau temps pour le lendemain, alors j’ai réglé mon réveille-matin pour 4 h 44 afin de pouvoir admirer le lever du soleil. En glissant vers le sommeil, je réalise tout à coup que la vraie raison pour laquelle personne ne voulait m’accompagner était qu’ils avaient peur de manquer de sommeil et que cela n’avait rien à faire avec le travail.

Le lendemain matin, c’est un ciel gris qui m’accueille; la météo avait menti. Comme le premier restaurant n’ouvre que dans deux heures, j’appuie sur le rappel d’alarme. Plus tard au restaurant, un randonneur local m’explique qu’il existe 15 microclimats entre Jasper et Banff. « C’est pourquoi vous avez 1 chance sur 15 que les prévisions soient bonnes. » Ces probabilités ne sont pas très bonnes, mais comme je ne veux pas perdre ma deuxième journée, je sors une carte et un stylo et encercle les chutes d’eau au sud de Jasper, car aucune d’entre elles n’est à plus de 10 minutes de marche du confort d’une voiture sèche.

Bientôt, ma carte est couverte de cercles. Il est difficile de choisir les premières chutes à visiter, mais j’opte pour les chutes Athabasca. Apparemment, tout le monde avait pris la même décision. C’est seulement aux endroits moins « Instagrammables » que les coudes et les perches à autophoto élevés disparaissent. C’est là que je peux admirer les eaux qui s’écrasent avec fracas contre le canyon qu’elles ont créé. Le torrent est tel que plus d’un visiteur distrait a eu la malchance de se faire emporter.

Après une journée à fuir les averses, je suis soulagée de voir le ciel bleu à mon arrivée au Centre des découvertes pour une excursion en autobus au coucher du soleil sur le champ de glace Columbia. « Ceci sera notre vitesse maximale », explique la conductrice à mesure que nous descendons à pas de tortue une route extrêmement escarpée dans notre autobus Ice Explorer, qui est conçu pour ce genre de déplacement sur un champ de glace. Une fois que nous nous arrêtons pour marcher sur le glacier, je discute avec elle et j’apprends qu’en 10 ans, le niveau de la surface sur laquelle nous sommes debout a baissé de 12 étages en raison de la hausse des températures.

Alors que je contemple une perte d’altitude presque équivalente au Colisée de Rome, les membres d’une famille nombreuse provenant de l’île Maurice se rassemblent pour prendre une photo avec le drapeau canadien. Après avoir passé la majeure partie des six dernières années à voyager seule, j’ai du mal à m’imaginer ce que serait un voyage avec une douzaine de membres de la famille. Me rappelant de la fois que ma cousine de 15 ans s’était perdue à Rome et qu’un policier l’avait félicitée d’avoir réussi à perdre sa famille, je conclus que le chaos et un rapport de personne disparue étaient les résultats les plus probables.

Une fois l’excursion terminée, je m’arrête au terrain de camping de Wilcox Creek tout près pour une quantité de sommeil insuffisante. À 4 heures du matin, je grimpe le sentier de 2,4 kilomètres de Parker Ridge pour photographier le lever du soleil, en bâillant tout le long du parcours. C’est un sentier populaire, mais la plupart des gens ne font pas de randonnée à 4 heures du matin. Je suis prête pour les ours, mais je ne m’attends pas à prendre un virage et à presque trébucher sur un couple transportant des appareils photo. L’expression sur le visage de la jeune femme était identique à celle sur le mien. C’était la terreur, ce qui s’explique par le fait que nous étions encore à moitié endormies. Après avoir ri de soulagement, nous avons rangé nos cannettes de répulsif à ours. Alors qu’ils disparaissaient en descendant le sentier, j’ai ressenti le bruissement de la solitude.

Après le lever du soleil, je me mets en route pour photographier autant de lacs que possible. En dépit d’arriver tôt au lac Peyto, le stationnement est presque plein. Au fur et à mesure que le soleil se lève, la vivacité du lac glaciaire augmente, tout comme le nombre de visiteurs. Je quitte la foule et conduis une demi-heure vers le sud jusqu’à la ville de Lake Louise, dans le parc national de Banff. Après une pause au Trailhead Café, pour un café absolument nécessaire et un nombre de pâtisseries plus grand que nécessaire puisque personne n’était là pour me juger, je roule un peu plus de 13 kilomètres jusqu’au lac Moraine.

Je prends quelques photos, puis échappe presque mon appareil photo lorsqu’un écureuil obèse me frôle la jambe. C’est un rappel triste de ce qui peut arriver à la faune dans un endroit populaire. Ou de ce qui peut m’arriver, si je continue de consommer des pâtisseries sans surveillance.

Je grignote un muffin tout en conduisant le dernier tronçon de 56 km de la promenade jusqu’à la ville touristique de Banff. En passant sous un passage faunique, je souris. Une minute plus tard, mon sourire s’évapore alors qu’un nuage de pluie s’installe au-dessus de la vallée. Le ciel est sombre, mais je croise mes doigts dans l’espoir de pouvoir profiter d’un coucher de soleil qui semble de plus en plus improbable. Je stationne et me joins à la file de gens qui attendent le téléphérique de Banff. En montant, j’envoie un texte à mon petit ami « J’aimerais que tu sois là », le cri silencieux d’un voyageur solitaire.

Le téléphérique fait le trajet d’environ 1,6 kilomètre en huit minutes, nous déposant au sommet du mont Sulphur, dont l’altitude est d’environ 2 450 mètres. En arrière-plan, on peut voir six chaînes de montagnes ainsi qu’un double arc-en-ciel qui décore le ciel au-dessus du village. Autour de moi, les gens rigolent et prennent des autophotos.

Un voyageur solitaire sourit timidement en me montrant son appareil photo; il me demande si cela me dérangerait de prendre sa photo. Et en un instant, ce sentiment de solitude que j’avais depuis ma randonnée jusqu’à Parker Ridge s’est dissipé. Je viens de passer trois jours à fuir les endroits bondés de gens, oubliant que ce que j’aime avant tout de voyager seule n’est pas la spontanéité ni la flexibilité, mais les conversations avec des gens à qui je n’aurais jamais parlé si j’avais été avec des amis ou de la famille.

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