Réflexions en montagne à Lincoln, dans le New Hampshire
Photo ci-dessus : De la gauche, Paul Kafka-Gibbons, Julian Kafka, et Richard Wood au sommet du mont Cannon.
Article et photos par Alexander C. Kafka
Alex est journaliste, photographe et compositeur à Bethesda, au Maryland.
Les générations se rassemblent sur les pistes des montagnes Blanches.
À sa naissance à Linz, en Autriche, mon père, John, portait le nom de Hans. Son nom était Hansel, en fait. Et sa demi-sœur aînée portait le nom de, eh oui, vous l'avez deviné, Gretel. Le père de Gretel est mort jeune; et mon père n'avait que six ans quand son propre père est décédé d'une crise cardiaque.
Peu après, Hans a fait son premier voyage de ski à Innsbruck. C'est là qu'il a tissé des liens avec l'instructeur de ski qui veillait sur lui comme un père. C'était dans les années 1920, à l'époque où faire du ski signifiait qu'on ne se rendait pas au sommet de la montagne en télésiège ni en gondole, mais qu'on devait la gravir à pied, en raquettes ou sur des skis en bois dont les semelles étaient recouvertes de peaux de phoque. Ensuite, la descente ne se faisait pas sur des pentes parfaitement damées par des tracteurs, mais à travers de la neige poudreuse parfois très profonde ou des arbres. Si jamais vous vous blessiez, il n'y avait aucune patrouille de ski pour vous amener en bas de la montagne. À l'âge de onze ans, mon père s'est brisé une jambe et on l'a installé sur un traîneau chargé de billots pour le transporter au bas de la montagne.
Dans cette histoire, Hansel et Gretel étaient juifs. Ils n'ont donc pas été poursuivis par une sorcière, mais plutôt par des nazis. Gretel et son mari, Charles, se sont finalement rendus aux États-Unis avec leur petite fille. Mon père, à 19 ans, s'est enfui avec ma grand-mère en 1940 sur l'avant-dernier bateau autorisé à quitter la France, où il fréquentait un pensionnat.
Arrivé aux États-Unis, il a travaillé comme peintre de salle de bains; il a fait des quarts de travail dans une usine de fabrication d'abat-jour; et il lui est arrivé une fois de vendre son sang pour avoir suffisamment d'argent pour un rendez-vous. Il a servi dans l'armée et a travaillé pour payer ses études en médecine et est devenu un éminent psychanalyste.
Plus tard, ma mère, une neuroscientifique, et lui ont fondé une famille et se sont installés à Washington, D.C. À la fin des années 1950, ils nous ont initiés au ski à l'âge de deux et quatre ans. Ils nous ont emmenés en Nouvelle-Angleterre et dans les Alpes suisses, où nous avions des cousins.
Parmi ces cousins était Michel, un ingénieur du son dont le ventre protubérant témoignait sa passion pour le vin et le fromage. En criant, chantant et ricanant, il nous a fait descendre, mon frère Paul et moi, une pente de 2 000 mètres verticaux qui commençait au sommet ensoleillé des Attelas surplombant Verbier et qui se terminait dans la vallée fraîche et ombreuse du village médiéval Le Chable. La dernière partie du parcours impliquait un saut par-dessus les murs des vignobles en terrasses enneigés. Il s'agissait d'une manœuvre que nous n'avions pas apprise à l'école de ski!
Quand mon père était âgé de 85 ans, il est venu faire du ski à Steamboat, au Colorado, avec moi et mon fils Julian, qui était âgé de 8 ans à l'époque. J'étais inquiet pour mon père, car en plus de s'être brisé la jambe quand il était jeune, il avait également subi une rupture du tendon d'Achille et des blessures à l'épaule et au genou en skiant. Mais, durant notre première matinée de ski, c'est lui qui glissait élégamment vers Julian et moi pour nous aider lorsque nous tombions.
Une escapade abordable
Il y a déjà 10 ans, Paul, mon frère acrobate qui anciennement sautait les murs de vignobles et qui aujourd'hui était écrivain et danseur, a découvert avec son ami entrepreneur Doran un lieu d'escapade abordable appelé Indian Head Resort, près de Lincoln, dans le New Hampshire. Le centre de villégiature abrite un motel et beaucoup plus encore. On y trouve un restaurant et un bar offrant une jolie vue sur la montagne; des piscines extérieures et intérieures avec spa; une salle de conditionnement physique et une salle de jeux; un étang qui se transforme en patinoire en hiver; et, de l'autre côté de la route, des terrains de tennis extérieurs.
À ses origines, en 1913, Indian Head Resort était composé de 10 terrains de camping. Le nom du centre de villégiature vient du fait que les gens trouvaient que le profil de la paroi rocheuse à proximité ressemblait à un guerrier amérindien. (En plissant les yeux, il y a des chances que vous décerniez la forme.) Indian Head a prospéré depuis ses débuts et comprend maintenant 98 chambres, incluant le motel, 40 cabines et 4 bungalows.
Indian Head est tout près de trois magnifiques destinations de ski : le mont Loon, Bretton Woods et le mont Cannon. Le personnel du centre de villégiature vous aidera à choisir la montagne qui offre les meilleures conditions de ski pour la journée. Toutes les stations de ski sont à 30 minutes de route et le trajet est très panoramique.
Les familles de Paul et de Doran se réunissaient à Indian Head chaque année pour célébrer la fin de semaine commémorant Martin Luther King. Plusieurs autres familles de Boston se sont jointes à eux, tout comme moi et Julian. Nous prenions l'avion de Washington, D.C. jusqu'à Manchester, puis nous louions une voiture pour profiter du parcours panoramique jusqu'à Lincoln, un endroit qui regorge de boutiques de vêtements d'hiver et d'équipements sportifs. On y trouve également une petite boutique spécialisée dans les guides de voyage. Ces derniers vous permettront de vivre des aventures à longueur d'année.
Quand nous avons commencé à venir à Indian Head, Julian, mon neveu Gabriel et nièce Charlotte fréquentaient le primaire. Ils descendaient les pentes en faisant du chasse-neige. Eux et leurs amis commandaient leurs repas à partir du menu d'enfants, jouaient au billard électrique et se divertissaient dans la salle de jeux Greenery avec des parties de bingo, des spectacles de clowns et des dégustations de crème glacée; et ils avaient beaucoup de plaisir à crier et à s'arroser dans la piscine.
Cette année, lors de notre voyage annuel, j'examinais ces beaux « enfants » assis à la table et j'éprouvais le « glissement de terrain sentimental » auquel Stevie Nicks fait allusion dans sa chanson « Landslide ». Julian en est à sa première année à l'université et étudie la psychologie. Il fait partie de l'équipe de tennis et il est percussionniste pour trois groupes. Gabriel est dans sa dernière année du secondaire. Il me dépasse d'une tête, fait partie d'une équipe d'aviron et aimerait s'inscrire à l'université dans un programme d'ingénierie. Charlotte, une étudiante de secondaire « junior », fait également partie d'une équipe d'aviron et se classe parmi les meilleurs dans les compétitions scientifiques et culinaires. Trevor et Elise, le fils et la fille de Doran et de sa femme consultante Karen, sont membres de l'équipe de voile de leur école secondaire.
Qu'est-il advenu de ces petits lutins du chasse-neige aux mignonnes voix aiguës? Disparus. Ils ont été remplacés par des démons aux voix graves qui dévalent les pentes à diamants noirs, les skis parallèles et bien collés. « Le jour viendra où votre enfant réussira à skier aussi bien que vous, a dit le cinéaste de ski Warren Miller. Et, le lendemain, il skiera mieux que vous. »
Durant notre plus récent voyage, les vents ont généré un refroidissement éolien sous zéro; la température a monté jusqu'à 4 °C; et il a plu. Il y a eu des années où la couverture neigeuse était si mince que nous faisions du ski sur de l'herbe, de la terre et des roches. Même dans les meilleures saisons, les pentes achalandées de la Nouvelle-Angleterre sont tristement célèbres pour leurs conditions glacées. Cela a cependant aidé Bode Miller et d'autres grands skieurs du Nord-est à devenir des compétiteurs intrépides.
Cela n'empêche qu'après chaque descente enivrante, vous et vos amis vous installez dans le télésiège et vous époumonez davantage en chantant à tue-tête, et faussement, des airs populaires. Peu importe que vous n'ayez aucune sensation dans vos mains et vos pieds et que les vents glacés horizontaux soient à exfolier gratuitement vos visages striés de larmes cristallisées. Motivés par la production d'endorphines surgelées, vous êtes de fervents apôtres de ce culte tordu de la Nouvelle-Angleterre.
Mon père est âgé de 96. Il a skié jusqu'à l'âge de 89 ans. Je sais que je vais abandonner les pentes de ski longtemps avant d'atteindre cet âge. Cependant, Paul et moi, nous nous demandons si, dans 15, 20 ou 25 ans, nous aurons l'occasion de dévaler les pentes avec nos enfants et nos petits-enfants. Et, si la chance nous sourit, lorsque ces derniers tomberont, nous serons en mesure de glisser élégamment sur la piste pour leur venir en aide.