Nous sommes sur un bateau, à scruter l’horizon, espérant de voir le jet de souffle d’une baleine. Avec une impatience grandissante, nous nous appuyons sur la rambarde du bateau, cherchant quelque chose qui ressemble à une bouffée de vapeur qui s’échappe d’un radiateur brisé. Si nous manquons cet indice, nous pourrions voir une nageoire dorsale foncée ou le large dos d’une baleine. Tout à coup, nous voyons quelque chose dans l’eau. Nous applaudissons et nous sortons nos appareils photo.

« C’est une boîte en carton », annonce le guide naturaliste.

C’est comme cela que c’est déroulé mon premier voyage d’observation des baleines, il y a près de 37 ans, à Barnstable, dans le Massachusetts. Le voyage s’est grandement amélioré. Après avoir entendu le bruit explosif de l’expiration d’une baleine; après avoir observé une demi-douzaine de baleines monter à la surface, nager et plonger comme s’il s’agissait d’une chorégraphie; et après avoir vu des queues de baleine d’environ 4 mètres de large s’élever au-dessus de la surface de l’eau puis s’enfoncer dans l’eau, je suis devenue accro.

Les baleines parcourent les océans du monde, et même si je vivais dans le Midwest à l’époque, j’ai décidé de voyager autant que possible pour voir les baleines dans leur habitat naturel. Au fil des ans, j’ai atterri dans de nombreux aéroports sur les deux côtes de l’Amérique du Nord, pour ensuite louer une voiture, conduire sur des routes pittoresques qui longent la côte jusqu’à une marina et monter à bord d’un bateau. Vous aussi vous pouvez le faire.

Observer les baleines me permet de tisser des liens avec la nature; renforce mon respect pour la beauté et la complexité de notre planète; et diminue mon sentiment de ma propre importance. Je me sens humble et exaltée en même temps. Et lors de chaque voyage, en plus d’observer des baleines, j’ai également l’occasion de voir des choses que je ne verrais jamais sur terre, comme de minuscules méduses appelées vélelles ou barques de Saint Pierre; un poisson-lune de 680 kilogrammes; ou un macareux huppé qui flotte dans les vagues.

Aujourd’hui, environ 15 millions de personnes font de l’observation des baleines chaque année. Je sais que je ne suis pas seule à avoir un tatouage de queue de baleine, mais j’aime penser que personne d’autre ne chuchote les noms latins des baleines pour les appeler à la surface. Ça marche pour moi!

Au fil des décennies, j’ai vu plusieurs baleines à bosse de 15 mètres de long sauter hors de l’eau (appelées « breaching ») et retomber en créant une énorme éclaboussure. Un après-midi, quatre baleines grises mâles qui poursuivaient une baleine femelle se sont rassemblées directement sous mon bateau. Un autre jour, un rorqual commun a soudainement bondi à l’extérieur de l’eau, la bouche grande ouverte, dégustant un hareng. Et j’ai même caressé une baleine grise de 30 tonnes qui s’était approchée du bord de notre bateau dans un lagon mexicain avant d’entreprendre sa longue migration vers le nord jusqu’à la mer de Bering.

Qu’est-ce qui me motive à monter à bord de grands et de petits bateaux, année après année?

D’abord, le fait que les baleines existent sur la planète depuis plus de 50 millions d’années. Il s’agit d’une véritable réussite en matière de conservation; bien qu’aujourd’hui, certaines des 67 espèces sont considérées comme menacées. Les baleines sont des mammifères qui respirent l’air comme nous, mais elles vivent sous l’eau, et pour moi cela représente un défi à la fois énorme et fascinant. Comment y arrivent-elles?

De plus, chaque voyage est différent. Dans le monde de la nature, vous n’avez aucune garantie sur ce que vous pourriez voir. Pour moi, cela accentue l’anticipation chaque fois. Par une journée ensoleillée, lors d’une excursion aux îles Farallon au large de San Francisco, j’ai repéré au loin une nageoire dorsale noire d’un mètre de long qui filait vers nous. Quelqu’un s’est écrié : « Nous allons avoir besoin d’un plus grand bateau! ». Oubliez le film « Jaws ». Il s’agissait d’une orque mâle qui pesait environ 5 443 kilogrammes. Également appelées épaulards, les orques sont les principaux prédateurs de la mer et de plus grandes tailles que les grands requins blancs.

Lorsque vous observez des baleines depuis un bateau, il peut être difficile de juger leur taille, mais il faut respecter les chiffres. Veuillez céder votre place Tyrannosaure Rex! Les baleines bleues sont les plus grands animaux de tous les temps. Ils mesurent de 21 à 27 mètres de long et pèsent entre 130 et 150 tonnes. Le cœur d’une baleine bleue est de la taille d’une Beetle Volkswagen. De plus, les vocalisations basses des baleines bleues sont parmi les sons les plus forts au monde. Le jet d’une baleine bleue peut atteindre 9 mètres dans les airs, et quand vous l’entendez pour la première fois, vous pensez qu’un bâtiment explose.

Tout ce qui concerne les baleines bleues n’est pas nécessairement volumineux. Un après-midi sur le pont arrière d’un bateau de croisière qui naviguait la Voie maritime du Saint-Laurent, une passagère a pointé à ce qu’elle pensait être un dauphin nageant le long du navire. La petite nageoire dorsale qu’elle voyait appartenait à une baleine bleue, et trois autres géants suivaient de près.

Depuis un traversier sur la baie du Prince-William en Alaska, j’ai observé avec émerveillement une baleine à bosse sauter 42 fois. Au large de Cape Cod, j’ai vu une mère allaiter son baleineau qui était 6 mètres de long, un rare spectacle. J’ai été hypnotisée par trois orques femelles qui nageaient autour de notre radeau motorisé au détroit de Haro, juste à l’extérieur de Victoria, en Colombie-Britannique. Au large de Patagonie, en Argentine, j’ai éclaté de rire alors qu’un baleineau se glissait à plusieurs reprises au-dessus sur le dos de sa mère (baleine noire), jusqu’à ce qu’elle l’envoie promener d’un coup de sa large nageoire.

Aux États-Unis, les réglementations fédérales interdisent aux bateaux de se rapprocher trop près des baleines dans la nature sauvage; mais ne connaissant pas nos règlements, il arrive parfois que les baleines nagent trop près des bateaux, sans doute pour faire un peu d’observation des personnes. Parfois, une baleine nagera à la surface à proximité du bateau et lancera des jets, vous arrosant d’une bruine chaude. Pas de problème, ça sèche.

Ma passion pour les baleines, qui date depuis longtemps, m’a également aidé à traverser des périodes difficiles. Lorsque j’ai subi une intervention chirurgicale pour un cancer du sein il y a deux décennies, j’ai apporté une photo de moi qui flattait une baleine grise à l’hôpital. Je me disais et je disais aux gens qui venaient me voir « Le cancer ne définit pas qui je suis. Je suis une observatrice des baleines. » Plus récemment, après avoir récupéré d’une intervention chirurgicale sur un tendon d’Achille rompu, j’ai vraiment savouré le moment quand j’ai pu de nouveau monter à bord d’un bateau d’observation des baleines.

Voilà déjà environ 37 ans que j’encourage les membres de ma famille, mes amis, des salles de classe remplies d’enfants et de salles de conférence remplies d’adultes à faire de l’observation des baleines. Maintenant, c’est vous que j’espère convaincre.